Subject: Fête de la Musique : techno, chaos, lacrymo

Madame,

Monsieur,




🎶 La Fête a-t-elle chassé la Musique ?


C’était le 21 juin, l’été, les copains, la liberté. On sortait une batterie, une basse, une gratte, on jouait du bon vieux rock, un peu de pop, du jazz manouche à l’ombre d’un réverbère. Les chorales se répondaient d’une rue à l’autre, les passants s’arrêtaient, les voisins applaudissaient. C’était brut, joyeux, amateur, vivant. Un Paris un peu foutraque mais terriblement vivant. Un Paris qui improvisait mieux qu’il ne planifiait.

Et puis les bars ont flairé le filon. Au début, ils invitaient quelques groupes. Puis ils ont compris qu’un DJ, c’était mieux : moins de matos, pas de prise jack qui grésille, zéro caprice de chanteur. Et le miracle des BPM : cette pulsation hypnotique, addictive, qui transforme n’importe quelle terrasse en rave low cost. Pour 100 ou 200 balles la soirée, on a la techno à fond, de la bière tiède et le chiffre d’affaires qui décolle.

Certes, il reste les concerts "institutionnels", hier soir place Vendôme, au palais Royal ou aux Tuileries pour fêter l'arrivée et le décollage de la nouvelle vasque post-olympique du designer Mathieu Lehanneur. La poésie pacifiste d'Abd Al Malik a ouvert le "bal" avant d'entendre Clara Luciani puis des vétérans - Bernard Lavilliers - et des plus jeunes - la jeune chanteuse R&B Thee Diane et la rapeuse Lou & the Yakuza.


Mais ailleurs, la musique a le plus souvent été recouverte par le bruit. La guitare a plié devant le caisson de basse. Le son a gagné, le sens a perdu. Et avec lui, les bandes ont débarqué. PSG champion ? Fête de la musique ? 14 juillet ? A chaque “fête” à Paris, même scénario dorénavant : des dizaines de milliers de personnes débarquent en meute entre les Halles et les Champs-Elysées. En RER, en rodéo urbain, en voiture conduite comme dans un jeu vidéo en mode hardcore. Harcèlement en série, bastons pour un regard, coups de couteau entre deux stories Tiktok.


Six personnes poignardées dans la nuit. Deux entre la vie et la mort. Trois d’entre elles à Paris Centre, bien sûr. Un adolescent poignardé pour avoir osé défendre sa petite amie, agressée sexuellement par ces voyous. Deux autres rue Réaumur, pour une tentative de vol qui a mal tourné. Les videos sur les lynchages de coupoles qui n'avaient rien demandé sont nombreuses et illustrent cette banalisation du vandalisme, du pillage et de la violence.

Le parquet de Paris, jamais avare en litotes, reconnaît que « le quartier des Halles a été particulièrement problématique ». Comprendre : champ de bataille. Les policiers, eux, ont dû gérer un “public hostile” (la nouvelle expression pour meute agressive) et deux tentatives de pillage. Cette année, les têtes d’affiche s’appelaient Nike et Sephora. Les vitrines, elles, n’ont pas chanté. Elles ont volé en éclats.

Les habitants ? Cloîtrés, sonnés, réveillés toute la nuit par les sirènes et les cris, anesthésiés par l’impuissance publique. On leur parle de fête. Ils vivent un siège. Et au petit matin, les rues sont recouvertes d’urine, de tessons et de bonne conscience.

Bienvenue dans la société obsédée par le risque zéro — sauf quand il est festif. Là, le risque devient une vertu. La nuit, on ouvre les vannes. Et si vous vivez là… on vous demande juste d’encaisser. En silence. Faire la fête, coûte que coûte. Avec les habitants. Ou contre eux. Mais jamais pour eux.

L’ADRAQH, l’association des riverains des Halles, a aussi la gueule de bois. Elle demande par conséquent l’interdiction de cette Fête de la Musique dans le quartier des Halles, l’interdiction des DJs de bistrot, et des écrans géants qui transforment les trottoirs en fan-zones permanentes. Je pense qu'on peut envisager de conserver une Fête de la Musique à nouveau joyeuse et vivante à condition de remplacer les DJ par des groupes et de supprimer les écrans géants qui transforment des rues en fan zones que personne ne sait ensuite contrôler, ni les bistro qui se contentent d'empocher la monneie, ni les forces de l'ordre.


Tandis que de nombreux quartiers ont vécu une nuit de son — et parfois, oui, de vraie fête — pourquoi les Halles font-elles systématiquement exception ? Parce que ce n’est plus de la musique, c’est un exutoire. Parce que ce n’est pas la Fête de la Musique, c’est la Fête du Débordement. Parce que ce quartier est devenu le réceptacle toléré de la violence périurbaine, celui où l’on concentre ce qu’on ne veut pas voir ailleurs. Parce qu’il y a une gare en sous-sol, des rues piétonnes en surface, et — croyait-on — personne pour protester. Mais les riverains sont là. Les commerçants aussi.


Et cette fois, ils ne veulent plus se contenter de fermer leurs volets et de baisser la tête.

Ce quartier n’est pas un défouloir. Il est habité. Il est vivant. Il mérite mieux.

Nous ne voulons pas la mort de la fête, mais la fin de l’abandon.


Nous pouvons refaire de Paris une ville vivante où la fête a du sens – pas du bruit.

Une ville pour tous, pas contre ses habitants. Mais il va falloir prendre des mesures drastiques pour restaurer un peu d'ordre dans nos quartiers qui aspirent à rester joyeux sans basculer systématiquement en carnage.



DERNIER VERRE AVANT L'ETE

Je vous invite à nous retrouver autour d'un verre avant les vacances pour faire un bilan du semestre écoulé et échanger sur la campagne qui approche à grand pas.

Cordialement,

Aurélien Véron

Conseiller de Paris


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