Madame, Monsieur,
Bienvenue à Paris, capitale mondiale du bouchon intelligent, de la piste cyclable mystique et de la livraison désorientée. Ici, l’automobiliste n’avance plus. Il expie. Moteur au ralenti, clim en berne, regard hagard fixé sur le parechoc du voisin, il s’interroge. Pourquoi suis-je puni ? Pour avoir tenté de rejoindre la rue de Turenne un mardi à 15h ? Pour avoir osé croire qu’une voie rapide ne deviendrait pas soudain un couloir de bus, de vélos et de trottinettes ? Paris l’a compris : la vitesse est fasciste. L’immobilité est une vertu républicaine.
Quant au livreur, il ne livre plus : il médite. Coincé entre un camion benne et une jardinière XXL plantée sur une ancienne voie de circulation, il contemple son Waze devenu fou. Il est là, bloqué rue Saint-Honoré à l’approche de la rue du Louvre depuis 37 minutes, avec trois colis alimentaires en décomposition dans le coffre pour un client déjà passé au dessert. Les commerçants du Marais ont vu leurs livraisons se transformer en épreuves de force. Les bus, une fois sortis des bouchons interminables, reprennent leur route et progressent majestueusement dans un flot d’obstacles, bercés par la douce incertitude des couloirs partagés avec des trottinettes désinhibées, des cyclistes pressés, des scooters énervés et des piétons résignés. Il y a un mot pour ça : polyphonie urbaine.
Et tout cela se déroule sous les yeux bienveillants de la mairie, qui voit dans cette anarchie joyeuse un signe de vitalité démocratique. Les embouteillages ? La fameuse « démobilité », cette nouvelle manière de ralentir pour mieux contempler la ville. Contempler sans s’arrêter parce qu’avec une voiture familiale ou un SUV, le stationnement dans la rue coûte 18 euros chacune des deux premières heures avant de grimper. Il faut compter 225 euros pour une demi-journée. Même la mafia n’aurait pas osé.
Mais cette démobilité punitive n'est pas notre destin inéluctable :
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