Madame,
Monsieur,
Hier soir, grand moment de théâtre absurde au Conseil de Quartier Louvre-Opéra.
L’un des deux représentants du quartier, convié à une procession très exclusive, nous a raconté — les yeux encore écarquillés d’étonnement — la dernière déambulation du maire de Paris Centre, ou plutôt un chemin de croix. Attention, pas seul : flanqué de quatre adjoints, de sa directrice de cabinet, de sa cheffe de cabinet et d’un escadron de la police municipale. Il ne manquait qu’un crieur public et un dromadaire pour l’effet caravane.
Objectif de cette odyssée urbaine ? Marcher vaillamment de la place du Marché Saint-Honoré à la place des Victoires. Deux cents mètres en zigzag d’aventure palpitante. Un pavé de travers ici, une poubelle un peu bohème là. Heureusement qu’ils étaient sept pour encaisser le choc.
Pas un mot, évidemment, sur l’inversion surréaliste du sens de la rue Saint-Honoré, qui fait hurler commerçants et habitants. Non, ça, c’est secondaire. Tout comme le calvaire du dernier boucher du quartier, M. Barone, qui s’apprête à baisser le rideau après 35 ans de côtelettes. Livrer le matin depuis Rungis devient un calvaire depuis le débarquement des plans en marguerite dans le 1er. Qu’il parte, ce fauteur de protéines locales. Les végétariens peuvent sabrer le champagne. Bio, bien sûr !
Silence total aussi sur les lampadaires défunts de la place André Malraux, en grève lumineuse depuis des mois, ou sur ces chantiers fantomatiques, rue du Quatre Septembre ou de Richelieu : cratères ouverts sur l’infini depuis 6 mois, d’une poésie désespérante. A ce rythme, ils finiront sous le prochain mandat.
Mais alors, sur quoi a-t-on planché ? Ah, là, ça rigole moins : la suppression du stationnement place des Victoires, et l’élargissement des trottoirs pour — tenez-vous bien — « permettre aux riverains de faire la fête ». Oui, vous avez bien lu. On ne peut plus accéder à son commerce, mais on pourra danser et pique-niquer sur les pavés. Le progrès.
L’assemblée, elle, espérait naïvement des grilles rénovées, une statue nettoyée. Mais non : la mairie préfère les guirlandes aux balais.
Et quand fut soulevée la question des devantures criardes et hors charte dans ce secteur patrimonial, une adjointe, visiblement épuisée par tant de rigueur esthétique, a levé les yeux au ciel : « Avec vous, c’est toujours le patrimoine ! » Ben oui, quelle idée saugrenue, dans un quartier historique. Vraiment, il faut vivre avec son temps : peignons des fresques fluo sur le bitume, subventionnons les graffitis au pied des Tuileries, et organisons des kermesses au milieu des ordures.